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Paris/Tokyo
karate traditionnel - 3. temoignage d'un pratiquant

En guise de préambule je voudrai vous apporter quelques informations sur ce nouvel article sous forme d’interview.
J’ai fait la connaissance d’Hanchindi (pseudo en tant que membre du site) en parcourant ses nombreux témoignages écrits sur le site de mon ami Skydiver : www.karatejapon.net
Ce qui m’a interpellé c’est sa modestie en tant que pratiquant de longue date et aussi sa vision sur le plan humain et culturel.


En effet relater ses multiples voyages de pratique en karaté au Japon n’a pour but que de nous faire partager en toute simplicité sa perception et sa sensibilité sur un karaté empli de culture et de tradition.
Un karaté pratiqué à la source sans protocole ni démesure. Un karaté pratiqué humainement et quotidiennement par la masse sans élitisme. Un karaté fraternel ou sueur et sang se mêlent aux rires et aux sorties après l’entraînement.
Je vous souhaite de prendre autant de plaisir que moi à lire cet interview en toute simplicité.

Note de l’auteur : Je précise que tout ce qui suit n'est que le résultat de mon expérience personnelle à Okinawa, pas au Japon métropolitain (Yamatû).



1) Pourquoi avoir choisi le karaté traditionnel d'Okinawa ?

Après trois ans de karaté shôtôkan, mon professeur connaissant mon attirance pour le Japon et qui savait que j'en étudiais la langue, me conseilla d'aller voir une fête okinawaïenne à Paris.
A cette fête, j'ai eu la joie d’assister à des démonstrations de gôjû-ryû, uechi-ryû, shôrin-ryû.
J'ai tout de suite été séduit par le karaté d'Okinawa.
Venant du shôtôkan, je fus séduit par cette façon particulière de générer la puissance, d'utiliser pleinement l’ensemble du corps. Ces deux aspects me parurent plus en adéquation avec ce que je recherchais à exprimer dans ma pratique.
Mobilité, fluidité et enchaînement naturel entre les techniques me séduirent d’autant plus que je ne retrouvais pas cela dans le karaté de la métropole japonaise.

Je voudrais revenir sur le terme de "traditionnel" pour le karaté d'Okinawa. La tradition du karaté d'Okinawa n'est pas forcément la même que celle du karaté au Japon.
Pour séparer les deux pratiques, à Okinawa, il existe deux façons de dire ou plutôt, de penser:

"Uchinân'karate" pour le karaté d'Okinawa
"Yamatûn'karate" pour le karaté du Japon.

Plus que de simples mots "régionalistes", ils englobent une réalité culturelle et pratique. Plus encore, pour certains vieux d'Okinawa, dont faisait partie Matayoshi Shinpô sensei. S'ils disaient "karaté" ils pensaient "tûdi"(les caractères chinois de "tûdi" (tôde) pouvant se prononcer "karaté").
Ainsi, des styles de karaté japonais anciens comme Shôtokan, Wadô-ryû, Shitô-ryû… peuvent revêtir ce terme de yamatun'karate et paradoxalement des styles relativement récent de karaté japonais, Kyokushinkai, Shidô-kan… bien que recevant le terme de Yamatun'karate sont plus proches des pratiques okinawaïennes, mais pourtant, et c'est normal, fortement teintés de culture purement japonaise.


2) En suivant votre parcours il apparaît une besoin évident chez vous d'aller à la source (Okinawa), que représente pour vous le fait de pratiquer au Japon ?

En fait, je pratiquais déjà le gôjû-ryû avec Oshiro Zenei depuis plusieurs années avant mon premier séjour à Okinawa, et travailler sous la direction d'un Okinawaïen en France n'apporte rien de plus que de travailler avec la même personne à Okinawa.
Une fois que l'on est dans la salle, que celle-ci soit ici ou ailleurs cela ne change en rien l’entrainement.
Ce qui change, ce sont les relations avec les êtres humains, les codes culturels et pour moi, le karaté (comme pour toute autre activité), c'est aussi cela.
Avant de partir pour la première fois au Japon, j'étudiais déjà le japonais à la fac., grâce à Oshiro sensei, j'ai pu aller à Okinawa et là, j'ai découvert une façon différente de pratiquer, pas dans la forme, mais dans le fond, dans le sens où la pratique correspond à la culture, ce qui peut paraître normal. Il n'y a pas de coupure. Attention, je ne dis pas que tous les Okinawaïens font du karaté dans la rue, loin de là, mais, prenons un exemple simple : les mots employés dans le karaté sont des mots japonais avec des sonorités japonaises. En sortant du dôjô, vous parlez avec quelqu'un, vous entendez les mêmes sonorités.
De plus, les okinawaïens sont très accueillants, le moindre chauffeur de taxi n'hésite pas à discuter pendant la course. Quand vous lui dites que vous êtes venu pour le karaté, pour lui, c'est que vous vous intéressé à sa culture, et la conversation prend un tour très amical, voire familial.

Il m'est d'ailleurs arrivé plusieurs fois lorsque le chauffeur de taxi me demandant de quel pays je venais et pourquoi je venais à Okinawa de voir sa surprise quand je lui répondais:


- pour le karaté"(venant de France, donc pas GI, il était surpris que je vienne à Okinawa).
A cet instant grand sourire dans le rétroviseur,


- Oui, j'en ai fait un peu aussi


- Quel style ?
j'ai toutes les réponses


- Combien de temps ?


- Une petite vingtaine d'années


- Et vous avez quel niveau ?


- Je suis 4ème dan, kyôshi


Et la discussion commencée dans un style assez conventionnel finissait dans un style assez familier. A la descente, toujours cette phrase en uchinâ-guchi (langue d'Okinawa) : ichiriba-chôde (litt. maintenant que nous nous connaissons, soyons amis) .


3) La rencontre avec des sensei illustres vous a t'elle changer votre façon de pratiquer ?

Il est certain que rencontrer de tels personnages est une grande source de motivation et d'inspiration. Avant ces rencontres, mon objectif était d'être toujours plus "fort", toujours plus d'entraînements. Sans changer cette façon de considérer mes entraînements, tous ces sensei, Kyûna, Matayoshi, Higa et tous les senpai m'ont montré que ce n'est pas la chose la plus importante.

L'entraînement peut et doit être enrichi d'expériences venant d'autres horizons. Les relations avec les êtres humains sont toutes aussi riches, que ce soit des partenaires d'entraînement ou l'épicier du coin.
Une chose marquante, pour moi, fut que tous ces sensei illustres, pour le moins, ne m'ont jamais fait ressentir qu'ils étaient et se sentaient illustres. La première fois où je les ai rencontré, je parlais bien comme j'avais appris à la fac. (en japonais, il y a plusieurs niveau de langage, pour faire très simple, un qui correspondrait aux "je, tu, il"-neutre- et un autre aux "nous, vous, ils"-poli-. Je parlais donc en poli au début, puis je remarquais que tous les élèves de ces sensei leur parlaient en neutre, j'en faisais donc autant, sans que cela ne les gènent.
C'est cela qui m'a fait prendre conscience de la relation très étroite liant les sensei et les deshi (disciples).
Avec Matayoshi Shinpô sensei, cette relation fût beaucoup perceptible, avec lui, j'avais vraiment l'impression de vivre une relation "à la chinoise" avec un "shifu" (maître/père).
Finalement, les différences entre les sensei d'Okinawa, illustres ou non, et les prof. de France, ne sont pas si grandes qu'on peut le penser.
De toutes façons, le nom "sensei" ne veut dire que prof. et s'applique à tous les domaines, de l'instituteur au professeur de médecine.


4) Que retenez vous de vos nombreux voyages au Japon ?

La découverte d'une nouvelle culture et des rencontres avec des gens passionnants et passionnés, qui ont su me transmettre cette flamme et ce flambeau, pour qu'à mon tour, je le transfère. J'espère que je l’ attribuerai avec le même esprit.

Pour ce qui est de mon expérience purement japonaise, elle se limite à du tourisme. Ma pratique avec un sensei japonais eut lieu en France:
Avec Kai Kuniyuki, haut gradé en karaté gôjû-ryû (branche Okinawa), jûjutsu japonais, kenjustu
Expérience très enrichissante, c'est lui qui m'a conseillé de me mettre au kenjutsu, chose que j'aimerais beaucoup faire sous sa direction.. Même si j'aime le Japon, l'ambiance, mon ressenti va vers Okinawa et c'est là que j'aime m'entraîner, je ne saurais expliquer pourquoi: "le cœur a ses raisons que la raison ignore".
Mais j'adore tous les Japons… même le quartier japonais de Paris!


5) Que représente les armes dans le karaté traditionnel japonais ?

Tous les dôjô que j'ai fréquentés enseignent les armes. Pour certains, la majorité en fait, la pratique à main nue est la plus importante et la pratique armée représente un plus.
A l'inverse, le dôjô Kôdôkan de Matayoshi Shinpô sensei et le dôjô Renshikan de Gakiya Yoshiaki sensei enseigne d'abord les armes puis les techniques à mains nues. Au dôjô Kenshikai de Hokama Tetsuhiro sensei, la pratique des armes se fait dans le même cours et libre aux élèves présents de pratiquer ou non.

Il faut noter que l'arsenal guerrier d'Okinawa est assez différent de celui de Yamatû. Si l'arsenal de la métropole est plus spécifiquement destiné à un usage martial, celui d'Okinawa est issus du monde agricole, détourné de son usage premier.
Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ce ne sont pas les Japonais de Satsuma qui interdirent la détention d'armes, mais le roi okinawaïen Shô Shin, par peur des révoltes. D'ailleurs l'interdiction réelle n'a jamais existé, une très forte restriction existait, les armes furent collectées dans un entrepôt sous bonne garde dans la ville portuaire de Naha, mais les besoins de sécurité intérieure nécessitaient la présence d'armes.
Les envahisseurs japonais maintinrent cette restriction, pour les mêmes raisons, mais il n'y eut pas d'interdiction totale. Il existe même des documents attestant que des sabres okinawaïens, en provenance d'Okinawa, étaient réparés et entretenus dans la province de Satsuma au Japon.
De plus, les responsables du développement et la codification des techniques armées furent des pratiquants issus de la classe des gens d'armes d'Okinawa. De nombreux chefs de files d'écoles actuelles de karaté et/ou de kobudô sont des descendants de familles nobiliaires.
Mais la situation économique d'Okinawa, dont la principale ressource était due au commerce outre-mer fut mise à mal pas l'apparition des commerçants portugais et hollandais.
Ces marins dont les navires étaient plus compétitifs et qui n'étaient pas soumis aux mêmes restrictions que les marins de la région ont finis par se tailler la part du lion. La richesse d'Okinawa décroissant, les nobles durent se faire agriculteurs, tandis que d'autres s'expatrièrent.
C'est d'ailleurs cette volonté de contrer les avancées des marins étrangers qui décida l'empereur japonais Tokugawa d'autoriser les vaincus de Satsuma d'envahir le petit royaume de Ryû-kyû.
Par cette autorisation, Tokugawa Ieyasu atteignait un quadruple but :
- Etablir une zone tampon, face à la progression des "barbares au long nez".
- Prendre le contrôle du commerce okinawaïen, en déclin, certes, mais toujours attractif.
- Avoir une porte ouverte sur le monde extérieur, alors qu'il avait interdit toute sortie vers l'étranger.
- Réfréner les ardeurs et désirs de révolte de ces anciens ennemis et par la même, s'assurer une relative tranquillité nécessaire à l'établissement de son nouveau gouvernement.
Cela divisait les forces de Satsuma qui, d'une part essayait de rétablir l'ordre ancien et d'autre part établissait une présence en des contrées lointaines, nécessitant de fortes dépenses.

Les armes sont donc très présentes à Okinawa. Au dôjô Kôdôkan de Matayoshi Shinpô sensei, les échauffements ou les hojo-undô (mouvements préparatoires) se faisaient souvent avec les armes, les plus lourdes, qu'elles soient bois ou en métal. Il en allait de même au dôjô Renshikan de Gakiya Yoshiaki sensei.
Lors de ma mémorable expérience en tant que uchi-deshi (disciple interne, à demeure), Gakiya me faisait faire des travaux de jardinage en m'enseignant les principes de coupe, tranchage, fauchage… Et les échauffements se faisaient avec le "bâton" en fer, la machette en bois lourd et le grand (donc, lourd) bouclier…

Il est vrai que les techniques à mains nues sont les plus développées aujourd'hui, mais les diverses et nombreuses démonstrations de karaté intègrent toujours des démonstrations d'armes.


6) Quel est votre constat sur la pratique du karaté traditionnel en Occident ?

J'ai souvent remarqué qu'en Occident, les gens imaginent que le dôjô est une église, un lieu sacré ou l’on entre en s'excusant presque de venir perturbé ce lieu sacro-saint. Tous les dôjô où je me suis entraîné étaient et sont des lieux de vie.
On y parle normalement, on y mange, boit, plaisante, les enfants y chahutent… Les gens qui passent pour regarder un entraînement étaient conviés à venir s'entraîner et même ceux qui venaient me chercher étaient conviés à prendre une boisson.
Autre chose qui m'a beaucoup étonné depuis que je suis rentré, c'est que les élèves ne sont et ne veulent n'être que des élèves et cela de leur propre volonté. Ici, les élèves suivent le prof, font tous la même chose en groupe sans vraiment chercher à être autonome. A Okinawa, le temps de la réelle formation ne dure que jusqu'au premier dan, passé ce stade, le deshi se doit de chercher par lui- même, bien sur il y aura toujours un plus avancé, senpai ou sensei, pour le guider, mais le travail est plus autonome.

En France, les gens viennent au cours de karaté et ne veulent que la technique, sans penser que le plus important ce sont les entraînements aux principes. Apprendre et intérioriser un principe, c'est se donner la possibilité de transposer ce principe dans de nombreuses techniques.
Une fois ces principes acquis, les seules choses nécessaires à la pratique ce sont les partenaires et la salle… et quelqu'un qui guide.

De nombreux karateka de France pensent qu'à partir de rien (en karaté), ils arriveront à quelque chose, simplement en répétant des mouvements techniques, sans passer par la case des moyens pour y arriver.
Je veux parler des hojo-undô, musculation spécifique aux arts martiaux, quels qu'ils soient. Pour palier à ce manque, dû aussi au fait que les instruments typiques d'Okinawa ne se trouvent pas facilement, certains se tournent vers les salles de musculation. Or, dans ces salles on trouve principalement des appareils guidés et/ou fixés. Je ne dis pas que ces appareils sont mauvais, mais les instruments typiques, et somme toute rustiques, d'Okinawa ont ceci d'intéressant qu'ils font travailler des chaînes musculaires entières, alors que les appareils modernes isolent les muscles. De plus, les instruments non fixés nécessitent de lutter contre la pesanteur et l'attraction terrestre.



7) Quel est votre prochain but à atteindre dans votre pratique ?

Un seul but dans ma pratique. Je continu à pratiquer en cherchant toujours à m'améliorer, faire des recherches et intégrer ce qui me paraît intéressant. En cela, je suis les conseils des sensei que j'ai eu la chance de côtoyer. Ils m'ont tous dit que "le vrai karaté traditionnel c'était la tradition du karaté, pratiquer, chercher… trouver, intégrer, quitte à ajuster à soi-même".

Depuis que les okinawaïens ont ramené le quan-fa à Okinawa, ou que celui-ci leur fut transmis, ils l'ont adapter à leur culture, leur morphologie… Quand les yamatu'n chû (japonais métropolitains) ont adopté le "ti" d'Okinawa, ils en ont fait de même et ils continuent, sans que cela ne gène personne, même à Okinawa.
D'ailleurs le dôjô (clos, parqueté…), le karate-gi, le rituel… tout cela est japonais, pas okinawaïen.
Le seul moyen pour que le karaté reste vivant, c'est qu'il évolue. C'est comme une langue, l'apport d'éléments nouveaux la fait progresser. De nos jours on ne parle plus le Français comme au 14ème siècle, mais on parle le Français. En karaté, on fait mawashi-geri (coups de pieds circulaires), ce qui ne se faisait pas dans le "karaté" d'une certaine époque, au regard des koshiki-kata (kata anciens), on en fait aujourd'hui, mais pourtant on fait du karaté. 


8) Avez vous envisager de pratiquer un autre arts martial avec armes ?

Oui, durant mes années de fac, j'ai joué au kendô, dans le cadre de mes études. Je dit "joué", car pour moi une année ne mérite vraiment pas qu'on s'y attarde. Mais, si j'avais eu la possibilité de me dédoubler et de trouver le bon sensei, dans un vrai dôjô, j'aurais aimé continuer.
D'ailleurs, il y a deux ans, j'ai participé au stage de Kai Kuniyuki sensei et il m'a conseillé de pratiquer le sabre.

_________________
chibariyo!!!


Date de création : 19/10/2006 @ 13:46
Dernière modification : 29/07/2008 @ 12:35
Catégorie : karate traditionnel
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Réactions à cet article


Réaction n°3 

par Hanchindi le 29/11/2006 @ 17:52

Ah, l'awamori!

L'awamori est le sake typique d'Okinawa, dont les principes de distillation furent rappotés du royaume du Siam par des marins-marchands d'Okinawa.

De plus, les bouilleurs de crus okinawaïens eurent l'idée d'y incorporer une levure noire unique à Okinawa, donnant à cet alcool, une saveur typique.

Les degrés d'alcoolisation de l'awamori vont de 20 à 60. On trouve même un awamori dans la boutielle duquel on a infiltrer un habu, une vipére extrèmement venimeuse d'Okinawa.


Réaction n°1 

par Mitsudomoe le 16/11/2006 @ 12:41

Article passionnant, experience formidable ... C'est toujours un réel plaisir de te lire Hanchindi.
Merci !
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